Tribune : le lieu où l'on s'exprime par le discours ou l'écriture par Gilles Clément

FRICOURIEN

La règle de vie qui nous est imposée depuis le milieu du XIXème siècle se résume à un seul mot : le fric.

Le fric ou rien.

Nous savons que cela ne correspond à aucune condition biologique sur notre planète mais tout étant soumis aux lois du marché il faut se plier à cette obligation : gagner de l'argent pour le dépenser. 

On pourrait vivre sans cette névrose qui infeste l'humanité entière et se contenter de trocs lorsque cela est nécessaire et utile. Mais le troc se passe du fric. Il est donc rejeté. On va jusqu'à emprisonner les aliments dans les systèmes d'achats obligatoires "les super-marchés", car l'accès à la gratuité est fortement combattu.

Produire sa nourriture est encore considéré comme un acte de rébellion. Il y a une vingtaine  d'années  aux USA on envisageait d'interdire les jardins potagers privés. En France une rumeur abordait la même question mais personne n'a voulu en faire la publicité, cela aurait sans doute déclenché une émeute. L'une des conséquences positive de cette rumeur a été la création des jardins partagés. 
Ils existent encore. Mais ces petits trésors ne font pas rêver les ultra consommateurs et les joueurs du fricourien.
Le jardin est un espace d'incertitude et d'espoir mais cela ne concerne que le monde vivant.

Le fric est une aberration virtuelle matérialisée par des billets, des chèques ou simplement des chiffres dans le cyberespace, mais il rassure, c'est une source inépuisable de calculs, on peut s'amuser.
Ce jeu de la cagnotte ne suffit pas, il faut des concurrents, des ennemis, sinon la guerre ne pourrait avoir lieu. Or la guerre a tous les mérites : elle dynamise la stratégie du jeu, elle développe la production des entreprises de jouets toujours plus gros et dangereux, elle crée des emplois. Elle permet d'attaquer et de gagner, elle offre le cadeau possible d'être les gagnants du jeu.

D'où une course à la domination.

Il faut entrer en guerre, se montrer performant, gagner, prendre la main.
Cela s'opère au risque de tout détruire. 
Détruire est un avantage considérable pour ceux qui vont avoir la mission rentable de reconstruire. 
Depuis bien longtemps on dit chez nous qu'il faudrait “une bonne guerre” pour relancer l'économie dormante.
La voici. 
Elle n'est pas seulement chez nous , elle est mondiale.
Elle tue au passage un nombre considérable d'humains mais le marché s'en fout. On ne cherche pas à soigner les êtres vivants on cherche du fric, c'est tout.

Telle est la caricature du jeu : il faut gagner.
Quitte à perdre sa vie il faut gagner.
Gagner quoi ? 

On peut comparer les jeux olympiques à une guerre de petits muscles en action pour atteindre on ne sait quel but puisque la course ne sert à rien. Sauf, parfois, à s'enfuir face à un danger mortel.
Mais il faut gagner à tout prix, c'est ça le plus important.

Afin de parvenir à ces exploits, ceux de la guerre partout, il convient de la justifier. Donner une bonne raison d'exister à la sainte dynamique de la destruction. On ne fait pas seulement des jeux vaguement olympiques pour parvenir à cet exploit on invite les religions à développer leur argumentaire. Elles détiennent le pouvoir de convaincre et démontrer qu'il y a de bonnes raisons de tuer l'autre.

En cette année 2024 nous vivons la démonstration de cette mécanique ancienne : laisser entendre  qu'on a raison, il faut tuer. Pas seulement les plantes et les animaux pour faire du fric, mais aussi les humains pour prendre la direction de ce qui rapporte. Donc on tue.

Ce combat d'exploits d'une très grande stupidité semble avoir l'accord de tous les pays de notre planète. Il faut tuer. Nous sommes bien au développement de la troisième guerre mondiale comme si les deux précédentes n'avaient pas fait la démonstration de leur inutilité.

Qu'est-ce que le vivant si la règle de vie est la mort avant tout ?

Aucun pays dans le monde n'a officiellement déclaré qu'il convenait de s'accorder planétairement pour continuer à vivre. La compétition continue. 
Si l'on veut faire un bilan des stupidités on ne peut éviter de constater que la compétition est la gagnante devant toutes les autres.

Il va falloir redéfinir le “jeu”
Et demander à Olympe de bien vouloir se calmer. Il n'est pas obligatoire de grimper aux plus grandes montagnes des cieux, territoire des dieux, pour exister et devenir riche.

Chère Olympe auriez vous l'obligeance de bien vouloir modifier les règles du jeu. 

Celui (ou celle) qui gagne n'est pas la personne qui croule sous le blé en ayant tout détruit mais celle qui est heureuse.

C'est tout.

On fait quoi ?

Gilles Clément, 29 avril 2024